In memoriam

PEC

Il s'appelait Jacques Peclers, et il signait ses dessins et ses caricatures PEC. Il signait aussi ses toiles de ce surnom, si connu sur la Place du Tertre, où trente années durant il posa son chevalet.

Ses dernières toiles, il les signa J.Daumier-Pec ; il pouvait, disait-il, user de ce nom déposé, hommage à l'immense caricaturiste que fut Honoré Daumier.

Ancien élève de l'Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles, ce Liégeois, Wallon jusqu'au bout des ongles, a bourlingué toute sa vie, de Belgique en France, puis au Congo qui ne s'appelait pas encore Zaïre, lieutenant de parachutistes de réserve, puis au Soudan, en Egypte, en France encore, en Espagne où il faisait des spectacles hauts en couleurs : chant / musique / danse / mime, et Paris enfin, peignant et dessinant Place du Tertre, chantant dans les cabarets.

PEC a longtemps cherché le sens de sa peinture, travaillant avec un égal talent le pastel et l'huile, le portrait, le paysage, et les marines, et toujours les caricatures au fusain, à la plume ou à la mine de plomb.

A la fin de sa vie, il mit enfin au point sa technique, les fonds sauvages, créant ainsi des tableaux fantastiques, où on retrouvait des influences de Dali, de Magritte, de Delvaux et de Leonor Fini, mais surtout une continuité dans les idées et les sentiments exprimés.

PEC a été LE peintre de la féminité. Toutes ses toiles de la maturité mettent en scène des femmes, toutes sortes de femmes, dans toutes les situations possibles ou improbables, surréalistes le plus souvent. PEC a peint la femme telle qu'il l'aimait, insaisissable et fantasmatique, la femme qu'il n'était pas, celle qu'il imaginait au moment où il la peignait. PEC n'avait pas besoin de modèles : il avait LA femme dans ses pinceaux.

Une vie de bamboche et de fête, de galères et de folies, une vie riche, pleine, folle et sans autre fil que l'envie de vivre au présent, cela use le corps plus que l'esprit, cela exacerbe les sens.

PEC venait d'avoir 70 ans le 28 Octobre. Il était hospitalisé à Paris, amaigri, diminué, épuisé. Il a voulu finir ses jours auprès de sa fille, au Mexique, où il est décédé hier. Puisse la postérité reconnaître un jour le génie de celui qui a toujours refusé de se vendre aux marchands.

C'était un Artiste.

Adieu, maître...

( Texte envoyé l'Agence France-Presse le 1er décembre 2000, le lendemain du décès de Pec )


Retour page textes Retour page d'accueil

 
eXTReMe Tracker